LA VACHE FOLLE

 ou Enigme de la 13ème Vache de Beuzeville                                  
Association de Défense de la Viande Bovine Française 
2, Impasse du Bac - 27380 AMFREVILLE SOUS LES MONTS 

ACCUEIL

Nous écrire

L'affaire de la 13ème vache

L'invraisemblable scénario

La crise

Une autre hypothèse

Autres hypothèses...

Coupables ?

Les vaches carnivores

Qui va oser réagir ?

Mark Purdey - Vaches folles ou fous de scientifiques ?

 

Creutzfeldt-Jacob

 

DOCUMENTS

 

ACTUALITES

 

ASSOCIATION

 

REVUE DE PRESSE

 

POLEMIQUES

 
 

 imprimer cette page>

L'invraisemblable scénario

Cela aurait pu n'être qu'un non-évènement. Ce fut pourtant l'équivalent d'une allumette que l'on eût grattée dans une des cuisines d'un immeuble où s'est produite une fuite de gaz, ou plutôt dans une énorme poudrière. Et dans un pays imaginaire où l'imprévoyance des uns s'ajoute à la frousse irraisonnée de la foule à l'ouverture d'une véritable Boîte de Pandore, cette boite que Jupiter remit à Pandore et qui contenait tous les maux possibles et imaginables. L'imprudence d'un Epiméthée contemporain ayant déclenché l'infernal mécanisme, tous les biens de la terre furent perdus et il ne resta bientôt plus au fond de la boite que l'espérance, dernier soutien des malheureux.

Notre boite à nous était pleine des reproches et des rancœurs, d'aucuns réels, d'autres imaginaires, nombre d'entre eux sans aucun fondement, que nos contemporains avaient empilés au fil du temps dans leur subconscient à l'encontre des denrées alimentaires que leur propose notre moderne système de "grande" distribution actuel, et vis à vis de ceux qui les produisent ou les transforment. Pensez que vous êtes dans le pays qui se prend pour le guide des nations en matière de savoir-boire et de bien-manger, le pays du Guide Michelin et de ses étoiles toujours plus nombreuses et plus prestigieuses, du Gault et Millau, du Gros (moi) et Micro (mon épouse), feu celui des trois cent et quelques fromages, où nombre de cuisiniers du dimanche se prennent pour des Bocuse ou des Raymond OIiver en toque blanche et en tablier, qui raffolent des émissions de Jean-Luc Petit-Renaud, qui applaudissent aux coups de gueule parfois justifiables, parfois justiciables de José Bové et où les maîtresses de maison, il en reste, n'ont de cesse de faire apprécier leur dernière trouvaille culinaire, le détail qui change radicalement le monotone plat du jour servi à la cantine ou au restaurant d'entreprise.

Tôt le 4 octobre, dans le matin blafard d'un automne oh ! combien pluvieux, qui se montre pressé de s'installer en cette année dernière du siècle qui s'achève, Alain presse le pas. Le "patron" l'a fait mander d'urgence tard dans la soirée. Il marmonne entre ses dents :

"Avec lui, c'est toujours de même. Il attend le dernier moment en espérant qu'ils vont y arriver tout seuls et...".

Ce n'est pas qu'il ait quelque reproche bien étayé à lui faire. Installé à quelque distance de la maison et de la cour des marchands de bestiaux sur une petite exploitation, les "corvées" qu'on lui demande de faire occasionnellement sont bienvenues pour améliorer un ordinaire plutôt... "moins qu'ordinaire".

Le bonhomme est plutôt ouvert, bien vu de la clientèle, des plus anciens qui le tutoient, des plus jeunes qui lui donnent du "Monsieur" avec quelque retenue, en reconnaissance bien souvent des services qu'il leur a rendus. La famille fait commerce de bestiaux depuis des temps presque immémoriaux, des temps qu'il n'a point connus. Le père avait pris la succession du grand-père et Dieu sait si celui-ci n'avait pas un devancier portant le même patronyme. Le fils Gilles est pour l'heure simple employé du père, mais il a sa confiance et prend les décisions que nécessite la gestion d'un tel commerce : achats à la ferme, rassemblement des animaux dans la cour de l'exploitation, allotement, vente et transports vers les divers abattoirs des environs, de moins en moins nombreux à présent, propriété de divers groupes coopératifs ou privés avec qui les négociations commerciales ne sont pas toujours faciles.

Gilles succédera à papa. Il a eu trois enfants déjà avec une "compagne", la femme avec laquelle il vit depuis plus de dix ans, infirmière dans un hôpital d'urgences. Les bonnes âmes s'inquiètent bien des raisons pour lesquelles ces deux-là n'ont toujours point convolé en justes noces. Pourtant les gosses sont très gentils, plutôt bien élevés, autant qu'on puisse en juger d'après leurs rares apparitions dans le bourg, le couple vivant à l'écart, au milieu des champs, à plus d'un kilomètre de la maison la plus proche, sur la route de Honfleur.

Le troisième "homme", c'est Huguette, l'épouse de Claude. Grande, belle encore, plus toute jeune à 66 ans, elle est la cheville ouvrière de l'entreprise, celle sans qui les choses ne seraient probablement pas tout à fait ce qu'elles sont. Le visage un peu fermé s'éclaire parfois d'un mince sourire, de loin en loin. Il est vrai que je ne la connais que depuis qu'on l'a projetée devant l'actualité, dans une situation qui ne prête guère à sourire.

On devine son influence sur la marche de l'affaire au travers de la sonnerie du téléphone, qui ne cesse de se faire entendre en ce mardi matin, où je me suis décidé à faire les 100 kilomètres qui nous séparent, moi d'avec elle, le vétérinaire retraité qui a tout de suite fleurée "l'arnaque", à la vue des images télévisées et des explications du procureur de Bernay donnant une conférence de presse convoquée à grand renfort de publicité, dès le samedi à une heure qu'il sera intéressant et facile de déterminer, quand on disposera de la dépêche de l'AFP émanant de leur agence de Caen, alors même que la garde à vue des "prévenus" n'en est qu'à sa première journée, que ceux que l'on accuse ne Rencontreront un avocat du Havre, inconnus d'eux et mandé dans la précipitation, en ce samedi où il est difficile de joindre un défenseur "espéré" à Bernay pour le lendemain dimanche à 14 heures ! Mais n'anticipons pas...

On sent dans la fréquence des appels successifs, et de ce que l'on devine de la teneur des conversations, qu'Huguette est habituellement "l'homme" à tout faire de l'entreprise, qui répond aux coups de téléphone, prend les rendez-vous, reçoit les visiteurs, organise le travail des employés, les enlèvements, le transport des animaux aux divers abattoirs, des cent cinquante et quelques bovins à l'engrais et vaches de réforme qui transitent ici chaque semaine, effectue les règlements aux clients, s'occupe de la gestion administrative de l'entreprise et des "papiers" accompagnant à présent chaque animal, traçabilité oblige.

Le café étant servi par la "patronne", les quatre hommes partent effectuer le travail prévu pour la matinée, Claude et Gilles allant effectuer les achats ou les modalités de la commercialisation des animaux que l'éleveur leur confie et qu'ils vont prendre en charge, la négociation n'étant bien souvent qu'un accord sur le montant de la commission que les marchands de bestiaux vont réclamer pour effectuer le transport à l'abattoir des animaux que leur propriétaire veut vendre, montant à prélever sur le règlement effectué par l'abattoir aux conditions convenues avec le marchand de bestiaux agissant comme mandataire du propriétaire et qui, à aucun moment, ne devient lui-même propriétaire des animaux commercialisés par l'éleveur.

Les chauffeurs partent "ramasser" les animaux en vue de leur transport à l'abattoir de Villers-Bocage, dès le début de la matinée. Alain n'a qu'une halte à faire, à l'adresse d'un éleveur de Morainville-Jouveaux, Monsieur Alphonse, au-delà de Cormeilles, à une vingtaine de kilomètres du domicile de Claude et de Huguette. Alain et Alphonse se reconnaissent : ils ont fréquenté l'école communale ensemble à la même époque. Retrouvailles chaleureuses.

En fait, Alain est arrivé sur l'exploitation de son "copain à la suite d'un processus habituel en pareil cas, la cession de terres et de cheptel d'un exploitant qui désire cesser son activité et dont l'exploitation est reprise par un voisin ou un parent.

Rappelons seulement les faits d'après les déclarations des différentes personnes qui sont mêlées directement à l'affaire et recueillies le mardi 24 octobre au domicile des protagonistes, sans aucune contrainte.

Fin septembre, Madame Leudet, personne seule, divorcée, qui héberge sa vieille mère, arrête l'exploitation de la petite ferme d'élevage laitier qu'elle entretient sur des herbages contigus à la forêt. Les animaux mangent exclusivement de l'herbe durant la saison de pâturage, du foin complété par des betteraves fourragères achetées à l'extérieur durant la période de stabulation, régime habituel dans ces petites fermes d'élevage laitier du Lieuvin. Peu d'achats à l'extérieur si ce n'est un peu d'aliment pour laitières provenant de la coopérative locale, pour inciter les animaux à se laisser manipuler plus facilement en vue de la traite. Ce sont des vaches de "bonne femme", des animaux exclusivement entretenus par leur propriétaire, qui les a fait naître, élevés, traits depuis leur premier vêlage, des animaux apprivoisés pour ainsi dire, qui ne voient le vétérinaire que lors des opérations de prophylaxie obligatoires, jamais malades parce que pas "poussés, qui prennent le temps de faire du bon lait, même si le laitier qui le ramasse profite de la présence d'un nombre élevé de cellules, témoin d'affections mammaires très bénignes, pour le pénaliser de quelques centimes. Le cheptel comprend 12 laitières en production, 1 vache pleine et 5 jeunes élèves.

Madame Leudet a cédé son exploitation et ses animaux à Monsieur Alphonse, son voisin, agriculteur encore jeune, "moderne", qui semble gérer son exploitation de façon très avisée, arrière-petit-fils d'un paysan venu des Flandres après la grande guerre. Celui-ci prévient donc MM. Demeulenaère de son désir de se défaire des vaches qu'il vient de reprendre et il garde les 5 jeunes élèves. Quelques jours avant la date de reprise, Gilles Demeulenaère va rendre visite en compagnie du repreneur, Monsieur Alphonse, aux animaux sur la ferme de Madame Leudet, et ils conviennent d'une commission de courtage, Monsieur Alphonse restant propriétaire des animaux en question.

Au jour dit, le 4 octobre au matin, Monsieur Alphonse transporte les 13 vaches à l'aide de sa bétaillère depuis l'exploitation de Madame Leudet et les ramène dans un coin d'un de ses herbages, où l'attend le camion des négociants de Beuzeville, conduit par Alain. Ce dernier ne semble pas très au fait de la manipulation des animaux et c'est Monsieur Alphonse assisté d'un aide (son fils ?) qui fait l'essentiel du travail : chargement de 13 vaches laitières dans le camion, dont on a négligé de pailler le plancher. On force un peu pour fermer la porte arrière pour que tous les animaux "tiennent" dans l'espace qui leur est réservé. Aucun signe, si discret fut-il, n'a été remarqué par les 3 nouveaux acteurs de l'opération.

A l'arrivée dans la cour de Monsieur Demeulenaère, deux des vaches sont tombées pendant le transport et ont été piétinées par leurs congénères. Incapables de se relever, elles sont lavées avec le jet d'eau froide. On passe à table. Au retour, on constate que les deux animaux se sont relevés. Ce genre d'incident n'est pas anormal lors du transport d'animaux et le négociant n'y prête pas une particulière attention. On charge donc onze animaux dans le camion, en écartant la vache pleine vendue à un éleveur et l'un des deux sujets retrouvé couché sur le plancher du camion, le camion est suffisamment chargé et on cherche à ne pas renouveler l'expérience du matin lors du transport à l'abattoir situé à 100 kilomètres de là.

Aucune remarque particulière des "inspecteurs vétérinaires" sur l'état des animaux en pleine lactation, par conséquent pas de la meilleure qualité.

La vache restée sur l'exploitation ne semble pas être troublée de se trouver dans un nouvel environnement. Elle paît normalement dans le pré, se lève et se couche sans difficulté aucune, rumine...

Le 10 octobre, on charge dans un premier camion 14 animaux que Gilles va conduire à l'abattoir. Dans un deuxième camion tractant une remorque, conduit par Denis, le chauffeur salarié à plein temps par le négociant, on effectue le chargement de 11 animaux ramassés la semaine précédente, provenant de diverses exploitations clientes du négociant. On charge dans la remorque vide trois animaux qui seront séparés du reste du chargement et individualisés par une cloison mobile, séparés de huit autres bêtes qui complètent la remorque :

- un animal à abattre d'urgence avec certificat vétérinaire.

- un animal en mauvais état, une saucisse dans le jargon du métier, vendu par l'éleveur en "confiance", sans fixation de prix et à la "commission".

- la vache qui va devenir trop célèbre et qui monte sans résistance dans la remorque, sur ses quatre pattes et bien vaillante à ce moment-là, et qui va bientôt devenir soudain prise d'une crise suraiguë de folie durant son transport vers l'abattoir situé à environ 100 kilomètres de l'endroit où on a chargé les animaux. C'est du moins la version qu'en donne à la presse le préfet de l'Eure à ce moment-là.

Nous voilà bien loin de la vache présentant "des signes pathologiques évidents" dissimulée "frauduleusement" dans un lot "unique" de 35 animaux, dont a "rêvé" le procureur Stelmach et dont il dévoile l'existence aux journalistes après guère plus de 24 heures de garde à vue de suspects présumés "innocents".

A l'arrivée, les trois animaux "défectueux" sont à part dans la remorque. Ce n'est pas un exploit extraordinaire du corps de préposés "vétérinaires" présents, formés à l'inspection des carcasses, de les individualiser. Il n'y a pas de vétérinaire inspecteur de l'Administration à temps plein à l'abattoir de la Soviba de Villers-Bocage, malgré son importance (on y abat plus de 1.500 animaux chaque semaine), et en cas de nécessité, il est fait appel à un "vacataire", en l'occurrence l'un des deux vétérinaires praticiens qui exercent leur art en ville.

La vache "accidentée" ne peut se relever et présente des tremblements, signes non équivoques semble-t-il aux yeux des "préposés vétérinaires" de la maladie de la vache folle. Signes qu'il est aussi possible de trouver chez des animaux piétinés durant le transport ("équasillés") et qui arrivent dans un abattoir où tout fait penser aux pauvres bêtes que leur dernière heure est venue : le bruit, les cris, les coups, le coup de grâce qui vous fait tomber à genoux. Comment ne pas avoir présent à l'esprit de la vache folle de Pontivy qui a montré à quel point l'idée fixe d'un individu qui se tromper peut aboutir à la destruction de tout un troupeau d'animaux sélectionnés à la confusion des protagonistes, dont une directrice départementale adjointe, auteur d'une monumentale erreur de diagnostic, d'un épisode bien cocasse de vache folle.

Pensez à ce qui a dû passer par la tête de notre pauvre bête habituée à la douceur d'une propriétaire qui avait été sa nourrice et l'avait allaitée, avec du lait artificiel s'entend, durant les premiers mois de sa vie, qui l'appelait sans doute par son nom : "Blanchette", ou "Grisette", ou bien "la Caille", ou encore Bringée, à moins que ce ne fût Manquette", celle qui n'a plus que trois trayons pouvant donner du lait. Ce sont là des circonstances qui doivent laisser des souvenirs, même à un bovidé qui, parfois, sait aussi faire les yeux doux.

Le chauffeur du camion est formel : la bête est "tombée sous elle" et si l'un des préposés présents l'avait aidé à lui remettre les pattes arrière en position convenable, l'animal se fût vite relevé tout seul avec une application des électrodes d'un aiguillon à piles, appareil couramment utilisé par les bouviers pour manipuler les animaux.

Au lieu d'essayer, le "préposé" à la réception passe un câble autour du cou de l'animal "accidenté" et le tire au moyen d'un treuil sur l'aire où il sera "euthanasié" plus tard, apparemment par le personnel de l'abattoir, sans avoir été examiné par un quelconque docteur-vétérinaire...

On connaît ce qui a été dit ou publié de la suite : prélèvements, analyses, confirmation du laboratoire de l'AFSSA à Lyon, plainte du DSV (du Calvados ?), excitation d'un procureur et d'un préfet, mise en détention de deux maquignons suspectés de fraude ("les maquignons, c'est toujours suspect", cf. le proverbe arabe "Bat ta femme chaque fois que tu en as l'occasion : Si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait !"), donc soupçonnés d'avoir su détecter une maladie sur un animal dont ils ne sont pas propriétaires et de l'avoir sciemment caché, à un stade où elle n'est pas décelable pour un non spécialiste, qu'il n'est possible de suspecter qu'après avoir longuement observé des animaux durant de longs jours, qui prennent la démarche caractéristique que l'on montre aux téléspectateurs seulement en phase finale de l'évolution de la maladie.

Il suffit de laisser parler les acteurs pour se faire une idée du climat dans lequel les Demeulenaère ont été mis en détention :

Le procureur Ph. Stelmach a accusé les deux négociants, dans une conférence de presse d'avoir "dissimulé une vache folle" et de "tentative de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, pouvant rendre cette marchandise dangereuse pour la santé de l'homme et j'ai requis à l'encontre de ces derniers en détention".

Quant à Monsieur le Préfet Thierry Klinger, il y va sans réticence aucune, tel un béotien soucieux d'étaler des connaissances acquises de fraîche date : "Depuis que je suis arrivé dans l'Eure, je pensais bien avoir une affaire de vache folle à traiter... Il s'agit bien d'une encéphalite spongiforme bovine. Les services vétérinaires ont aussitôt lancé un vaste examen de la situation... Il n'y avait pas de doute de la tentative de manœuvre frauduleuse à partir du moment où l'un des bovins avait été présenté à l'abattoir avec un autre lot. La bête était en train de crever lorsqu'elle a été amenée à Villers-Bocage. Et comme la règle le veut...".

Ben voyons !

Sauf que cela ne s'est pas du tout passé comme ça...

Et ben NON. Un animal qui est monté sans assistance aucune dans une remorque, sans qu'on ait eu besoin de l'y porter sur une civière, ne pouvait pas être en train de crever une heure plus tard, à 80 kilomètres de là. Et en tous cas, pas à cause de la maladie de la vache folle ! Monsieur le Préfet est peut-être un expert en matière d'accidents de la route, dans un département où transitent chaque année des millions de conducteurs plus habitués à se déplacer dans Paris que sur des routes à grande circulation lors des exodes périodiques des habitants de notre capitale, avec le record de morts peu enviable que l'on sait, mais il n'a aucune compétence pour affirmer ce qu'il affirme. Il ne connaît rien à l'évolution d'une maladie de la "vache folle" et une telle évolution fulgurante s'apparente plus à une méningite à fulminans chez un nourrisson qu'à ce qu'on sait d'une maladie à prions.

Il y a dans le telex de l'agence France-Presse, daté du 21/10/00, à 16H35, émanant d'Evreux et signé Christian Gauvry, de nombreuses erreurs, voire des mensonges. Or on peut imaginer que le signataire de la dépêche a recueilli les informations qu'il donne d'après ce que le procureur de Bernay a déclaré lors d'une conférence de presse donnée avant cette heure-là à des journalistes convoqués pour la circonstance. On ne se demande pas par qui.

Il y est question d'un cheptel en partie "revendu à un négociant en bestiaux de Beuzeville", une affirmation inexacte qui n'a pas fait l'objet d'un démenti à ce jour. On y parle d'un animal "caché parmi un lot de 36 autres, un lot "unique", et donc censé ne contenir que des bêtes provenant du même cheptel", ce qui ne peut pas être pour un lot préparé par un commerçant dont les sources d'approvisionnement sont des plus diverses.

Au vu du déroulement de l'enquête du SRPJ de Rouen, on peut s'interroger sur l'interprétation faite par le procureur des résultats des interrogatoires effectués par la police. Ces Messieurs font leur première apparition au domicile des Demeulenaère le vendredi 20 octobre, vers 9 heures du matin, une dizaine de policiers en civil entassés dans 2 ou 3 voitures. Six d'entre eux se présentent à la porte. "Les hommes" sont partis en tournée, Madame Demeulenaère est seule. Les policiers interrogent celle qui n'est pas encore une "prévenue", et devant son insistance la laissent aller faire des courses au bourg vers la fin de la matinée. Claude et Gilles sont rentrés vers 12 heures 45 de leur tournée et les inspecteurs toujours présents les convoquent à 14 heures à la gendarmerie de Beuzeville. Commence alors un long interrogatoire qui n'est pas une conversation de salon, au cours de laquelle les enquêteurs s'efforcent d'obtenir les aveux qu'ils recherchent. Sans succès. Ils embarquent les hommes à Rouen, avec le chauffeur attitré de la maison qui les a rejoints dans l'après-midi.

Plusieurs inspecteurs (5 ou 6) ramènent Huguette à l'exploitation, perquisitionnent toutes les pièces du rez-de-chaussée (avec un mandat ?), examinent en détail tous les dossiers du bureau, puis entreprennent de fouiller les locaux d'exploitation. Ils saisissent les médicaments vétérinaires stockés dans un frigo. Et ils embarquent à la nuit tombante l'infortunée épouse et mère des deux autres "prévenus" les rejoindre au siège de la P. J à Rouen.

L'interrogatoire se poursuit jusqu'à une heure avancée de la soirée (après 22h30). Madame Demeulenaère est alors informée qu'elle va passer la nuit en cellule, "un lieu qui n'a rien d'une chambre d'un trois étoiles". Elle est priée de se déshabiller, fouillée sous des regards dont on devine l'expression. "On" ne lui propose ni à boire, ni à manger. "On" lui fait retirer ses chaussures et la veste qu'elle à jetée sur un haut-de-corps trop léger. Et "on" l'enferme à triple tour dans un endroit sordide, une cellule pleine de la puanteur de l'urine des précédents occupants, avec une couverture mitée, derrière une porte blindée, sinistre, où elle va passer douze longues heures dans la nuit, le froid, la solitude, la peur, l'angoisse de devoir finir par avouer des fautes qu'ils n'ont commises ni elle, ni les siens.

Présumés innocents selon notre code pénal !

Présumés coupables d'après les agissements d'une justice qui va les embastiller dare-dare..., pour les besoins d'une enquête destinée à faire toute la lumière sur un fait qu'elle suppose délictueux.

"On" viendra la chercher le lendemain matin pour la poursuite de l'interrogatoire. Vers onze et demie, "on" reconduit madame Demeulenaère chez elle sous bonne escorte, là où l'attendent les fonctionnaires de la Direction des Services Vétérinaires du Calvados chargés de l'identification des animaux présents sur l'exploitation.

Le procureur, bon prince, la laisse en liberté, afin de lui "permettre de donner les soins nécessaires aux animaux". Quelle sollicitude pour ces braves bêtes !

Elle est prévenue dans le courant de l'après-midi qu'elle doit se présenter devant le juge, en compagnie d'un avocat, à quatorze heures le lendemain, au tribunal de Bernay. Peu habituée des prétoires, Madame Demeulenaère déniche enfin, après nombre de coups de téléphone à des amis et connaissances, un bâtonnier du barreau du Havre, qui accepte de venir au tribunal à l'heure dite.

Le juge d'instruction, récemment nommé à ce poste, qui est semble-t-il sa première affectation, étant absent durant ce week-end, c'est le Président du Tribunal de Bernay qui aurait accédé à la demande du procureur, et mis en détention au secret le père à la prison de Rouen, le fils à celle d'Evreux, avec interdiction de visite de qui que ce soit, en particulier de Huguette.

Inculpée elle aussi, mais laissée en liberté. Pour donner les soins à ses animaux...


^ haut de page