Vitesse et précipitation
Abattages clandestins, enfouissements au tracto-pelle, massacres
contestables (et bientôt contestés sans doute) de nombre de troupeaux
de valeur, voilà ce à quoi il faut s'attendre si, comme promis par le
premier ministre pour le début du mois prochain, se met en place la détection
systématique de l'ESB sur tous les animaux de trente mois et plus. Sans
parler du coût pour le contribuable, ce dont personne n'a cure semble-t-il,
mais que la dure réalité va vite se charger de rappeler.
On ne nous a en effet pas encore dit selon quel "process"
va être entreprise la "destruction" des animaux que l'on s'acharne
à identifier, uniquement pour se faire une idée précise(?) de l'importance
de la "contamination" du cheptel français, laitier essentiellement,
et probablement de la souche "primholstein". En raison de la
philosophie qui prévaut chez les "scientifiques" décidant des
avis émis par l'AFSSA, je ne doute pas une seconde que ce ne soit par
le "stamping out", c'est-à-dire "l'euthanasie" de
tous les animaux, y compris les nouveaux-nés, qui ont la malchance d'appartenir
au propriétaire de l'animal trouvé positif à la réaction au fameux test
"prionics", dont personne jusqu'à présent n'a l'air de se soucier
du degré de fiabilité. Personnellement je n'ai jamais eu à m'y frotter
qu'une seule fois dans cette "énigme de la 13ème vache", et
ma conviction profonde est que cette pauvre vache en question n'était
pas plus atteinte de l'ESB que je ne le suis de la nvMCJ! Erreur? Coup
monté? Coup tordu? Arnaque? Mépris de l'examen clinique? Ignorance totale
du contexte, des commémoratifs? Compte-tenu de ce qui s'est passé, de
ce qui s'est dit et écrit, de ceux qui ont dit ou écrit ce qu'ils ont
claironné et mis en titre, il est nécessaire d'élucider le "Mystère".
Commençons par tordre le coup à un bobard. La mesure serait
justifiée pour rassurer le consommateur et lui donner une garantie sur
la sécurité qu'elle apporterait aux viandes proposées à l'étal. Je ne
crois pas un seul mot de cette argumentation et permettez-moi de penser
(tout haut) le contraire. Mettons-nous dans la peau de la ménagère lambda
qui, lors de son trajet automobile vers la grande surface qu'elle fréquente,
entend à la radio du bord, au dernier bulletin d'informations, qu'on vient
de mettre en évidence les réactions positives aux tests de détection dans
trois ou quatre départements. Peu lui chaud que ce soit un cas clinique
ou la conséquence d'un résultat positif de l'examen d'un animal mort ou
accidenté, sa conclusion est la même : il faut quand même que ce soit
dangereux, cette histoire de "vache folle", pour qu'on en soit
arrivé à mettre en place des mesures aussi radicales, analogues à celles
que l'on claironne lors de l'apparition d'un cas de fièvre aphteuse ou
de peste porcine dans un élevage, la destruction de troupeaux entiers
"contaminés". La fréquence accrue et la localisation des annonces
d'un bout à l'autre de l'hexagone n'a rien de rassurant pour l'inciter
à revenir sur sa décision d'aller choisir ailleurs qu'au rayon boeuf la
grillade du dîner en famille...
Il serait sage de tirer les conclusions qui s'imposent des
affirmations que rien ne semble contredire à ce jour :
- absence de pouvoir infectieux du muscle et de la rate;
- absence du prion au niveau de l'intestin chez les animaux
"infectés" naturellement (Fraser et Foster,1994);
- les tests utilisés actuellement ne détectent "l'infection"
qu'au stade final de la maladie, au mieux 3 à 9 mois avant l'apparition
des signes cliniques;
- les premiers signes cliniques sont observés à partir du
35° mois et de façon plus constante entre 38 à 40 mois.
On est donc fondé à s'interroger sur ce à quoi rime cette
systématisation des tests sur tous les animaux de plus de trente mois
présentés dans un abattoir.
Les gens raisonnent comme si ce qui s'est passé en Grande-Bretagne
allait se répéter chez nous. Il y a un risque vraîment trèsmince, puisque
:
- on admet, à tord peut-être, mais c'est sur cette idée
qu'est justifiée la politique sanitaire actuelle, que la seule explication
à l'apparition de cette nvMJC chez les humains est due à la consommation
de viande d'animaux qui étaient porteurs de prions absorbés en "cannibalisant"
d'autres animaux (moutons?, autres bovins?, chats?, ...), au travers de
la distribution d'aliments du bétail contenant des farines animales, essentiellement
des poudres de viande et d'os, préparées selon un procédé ne garantissant
pas l'inactivation d'un agent contaminant (non infectieux apparemment).
- les farines de "viande et d'os" sont aujourd'hui
uniquement des farines de "déchets" de parage d'animaux bons
pour la consommation, sans ajouts de cadavres d'animaux morts de maladie,
d'accident ou de... vieillesse;
- elles ont subi à présent un traitement thermique qui semble
ne pas
soulever de critiques, avec inactivation des prions improbables
(disons au moins 80%);
- on a interdit l'utilisation des farines animales dans
l'alimentation des bovins depuis plus de 10 ans, et même si quelques fraudeurs,
aussi gros qu'ils aient pu être, ont utilisé de la farine de viande anglaise
prohibée importée illégalement dans des aliments porcs ou volailles, ce
n'était pas pour l'incorporer dans des aliments pour vaches laitières;
- le problème de la contamination dans les usines d'aliment
est marginal
et pourrait être encore amélioré par le "rinçage"
des circuits de fabrication
ou des véhicules de transport avec une quantité faible (quelques
dizaines de kilos quand on passe des aliments bovins aux aliments pour
autres espèces). Notez d'ailleurs que nombre de groupes importants ont
spécialisé leurs usines de fabrication et ne font plus d'aliment pour
bovins là où ils fabriquent des aliments pour les porcs ou pour les volailles.
Quant à l'abatage de je ne sais combien de millions d'animaux
de plus de 30 mois, c'est idiot, n'en déplaise à Guyeau. Cela ne gantirait
en rien l'absence de survenue de la maladie de la vache folle sur de plus
jeunes et la dangerosité de leur viande, à moins d'admettre que les risques
de contamination croisée soient nuls ou avec des farines de viandes sans
risques après cette date et qu'il n'y ait pas eu d'importations frauduleuses
de farines de viandes anglaises fabriquées avant larectification du processde
fabrication. D'après la "télé", il ne semble pas que cela ait
été le cas.
On ne voit pas par ailleurs pourquoi, en dehors d'un souhait
exprimé par le chef de l'Etat et des désirs des foules apeurées par ce
que nimporte qui ait eu la possibilité de déclarer à un micro ou à une
caméra, ce qui a justifié le "suivisme" du gouvernement, dans
sa décision d'interdire les farines animales dans l'alimentation des porcs,
des volailles et des poissons, animaux chez qui tous ceux qui s'y sont
escrimés, et Dieu sait qu'il y en a eu!, nont jamais réussi à détecter
un signe clinique quelconque ou un dosage au laboratoire qui eût été le
témoin irrévocable de la transmission à ces espèces de l'"ESB par
voie digestive.
Car c'est une chose que de transmettre cette "affection",
chez un porc ou un oiseau, par voie intracranienne de plusieurs milliers
de doses infestantes et c'en est une tout autre d'y arriver en faisant
ingérer à quelques-uns de leurs congénères des centaines de grammes journalières
de cerveau ou de moëlle épinière particulièrement contaminés par du prion
anormal, en provenance d'un animal en phase finale d'évolution de la maladie!
Il faut cesser, si l'on désire ne pas déstabiliser la ménagère
en route pour effectuer ses achats, de claironner "urbi et orbi"
la détection par le laboratoire d'un animal positif sans avoir montré
le moindre signe clinique de son vivant et cesser de jouer avec l'excès
de transparence. Ne leur en déplaise, tous ceux qui ont la trouille d'attraper
l'improbable maladie ne sont pas prêts à assumer une saine ligne de conduite
responsable à l'égard du risque que comporte toute existence : le risque,
c'est la vie!
Et pendant qu'on polémique, allons-y : il faut interdire
de médias les experts actuels de l'AFSSA et faire chanter une chanson
réaliste par d'autres acteurs, des "scientifiques" indépendants
qui ne soient pas obnulés par une pensée unique acquise lors des rèunions
qu'ils ont vécues en vase clos, chacun cherchant à présenter une position
unanime en cachant au public les opinions divergentes sur le sujet.
Il n'est pas mauvais, pour se rafraîchir la mémoire, de
consulter les archives. Et je ne puis m'empêcher de recopier le texte
de l'intervention du Professeur Stanley Prusiner au Symposium Scientifique
International sur la Sécurité des Aliments qui s'est tenu en octobre 1998,
dans le cadre du Salon International de l'Alimentation, le SIAL. Le prix
Nobel de Médecine pour sa découverte du prion semble avoir une vue sur
l'évolution de l'ESB, que notre gouvernement eût dû prendre en considération
avant de prendre les décisions qu'il a prises en catastrophe dans l'urgence
et qui vont coûter auxfinances publiques entre 10 et 15 milliards chaque
année s'il n'est pas mis un peu d'ordre dans toute cette précipitation
sans justification.
"Le prion est une protéine infectieuse dénuée d'acides
nucléiques. Sa protéine, le PRP scrapy, est riche en plaques bêta et possède
plusieurs souches. Les maladies humaines dues au prion peuvent prendre
3 formes: sporadique, héréditaire ou infectieuse. Seule cette dernière
forme peut être traitée. En France, plus de cinquante cas de la maladie
de Creutzfeld-Jakob ont été déclenchés suite à la prise d'hormones de
croissance provenant de la glande pituitaire d'animaux infectés. Cependant
c'est l'épidémie de la vache folle qui préoccupe tous les esprits.
"Le premier cas de cette maladie a été décelé en
1986. Dès 1988, on avait diagnostiqué que plusieurs milliers de vaches
étaient atteintes de la maladie de la vache folle, suite sans doute à
l'ingestion de poudre de viande osseuse contenant des prions. En effet,
des changements technologiques survenus à la fin des années 70 avaient
supprimé le processus permettant la désactivation des prions dans la fabrication
de cette denrée pour l'alimentation du bétail. Suite à l'interdiction
de tout produit contenant de la poudre de viande osseuse dans l'alimentation
des animaux, la maladie connait aujourd'hui une chute vertigineuse et
ne devrait plus exister que de façon sporadique dès 2001.
"Notre défi consiste à repérer l'origine du prion
BSE. Provient-il du mouton ou est-il né spontanément? La capacité de transformation
de ce prion une fois le corps hôte infecté est telle que nous ne pouvons
pas nous prononcer. De même, il nous est impossible de savoir si des vaches
ont pu transmettre cette maladie à l'homme. Chez les êtres humains, ce
prion se distingue par l'existence de plaques atypiques autour desquelles
survient une dégénération spongiforme importante. Pour l'heure, cette
maladie s'est confinée en Grande-Bretagne à l'exception d'un cas recencé
en France*.
"De nombreuses questions restent sans réponse :
le prion BSE est-il à l'origine de la maladie de Creutzfeld-Jakob chez
l'homme? Pourquoi le nombre de cas ne s'est-il pas accru entre 1994 et
1998? Comment se fait-il que des personnes peu carnivores, voire végétariennes,
aient contracté la maladie? Enfin, pourquoi la majorité des personnes
est-elle jeune? Force est de constater que nous n'avons établi aucun rapport
entre la maladie de Creutzfeld-Jakob et un éventuel déclencheur.
"C'est sur des hamsters que s'effectue le plus
grand nombre d'expériences dans ce domaine, car ils sont les seuls à abriter
huit souches de cette maladie. Ainsi, nous avons pu vérifier que l'évolution
de ces souches variait en fonction de la quantité de guanidine utilisée.
Cependant nos expériences ont également démontré l'importance du temps
d'incubation dans la problématique de la qualité de l'alimentation. Les
souris transgéniques ne contractent la maladie que 200 jours après l'inoculation
alors que les souris normales attendent 500 jours avant de montrer des
signes de la maladie. Ce modèle permet de mieux connaître les prions,
leurs données biologiques et leurs sensibilités.
"J'ai cité trois sortes de maladies liées aux prions.
Maintenant, nous pouvons affirmer que les maladies sporadique et infectieuse
résultent de la conversion du PRP-C en PRP-scrapy, tandis que la maladie
héréditaire résulte de la conversion de PRP-mutant en PRP-scrapy mutant.
Ainsi, la forme infectieuse est bien transmissible, d'où une inquiétude
significative à l'endroit de l'alimentation."
* En octobre 1998
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