Vente de viande suspecte : un négociant en bestiaux
en garde à vue
Par Christian GAUVRY
EVREUX, 21 oct (AFP) - Un négociant-exploitant en bestiaux
de Beuzeville (Eure) et trois de ses proches ont été placés en garde à
vue, vendredi à Rouen, dans le cadre d'une enquête du SRPJ sur la vente
d'un lot de bovins suspect, et dont la viande a été vendue dans 39 enseignes
Carrefour en France.
Entre 500 kg et une tonne de viande provenant d'un lot de
bovins suspectés par les services vétérinaires d'être atteints de l'encéphalopathie
spongiforme bovine (ESB, maladie de la "vache folle") ont été
vendus début octobre sous forme de viande hachée, selon le procureur de
la République de Bernay (Evreux).
La section régionale de la police judiciaire (SRPJ) de Rouen
a été chargée de l'enquête préliminaire demandée par le parquet de Bernay
pour "tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise pouvant
entraîner ou présenter un danger sur la santé de l'homme".
Elle a arrêté et placé en garde à vue vendredi le négociant,
son épouse, son fils et un ouvrier agricole dans le cadre de cette enquête.
Samedi matin, l'épouse du négociant a été libérée afin d'aider
les services vétérinaires à effectuer leur inspection de l'exploitation.
Les 11 animaux concernés, vendus le 4 octobre et abattus
pour commercialisation, peuvent être considérés comme suspects, selon
le procureur de Bernay, était donné qu'ils appartenaient à un cheptel
dont un des bovins s'est révélé porteur de l'ESB.
Le procureur estime qu'environ une tonne de viande a été
vendue sous forme de viande hachée début octobre dans 39 enseignes Carrefour
de France, tandis qu'une autre source proche de l'enquête évalue cette
quantité à 500 kg.
Plusieurs tonnes de viande non vendues et provenant de ce
lot de 11 bovins ont été rapatriées et saisies par les services vétérinaires.
"Manoeuvre frauduleuse"
La viande provenait d'un cheptel contenant à l'origine 18
bovins et appartenant à un éleveur de l'Eure en cessation d'activité.
Un intermédiaire, qui avait acheté le cheptel, en a gardé cinq et a vendu
les 13 autres à un négociant en bestiaux de Beuzeville, le 4 octobre.
Le jour-même, le négociant de Beuzeville présentait à un
abattoir de Villers-Bocage (Calvados), 11 de ces bovins qui ne "présentaient
pas de signe pathologique", selon les services vétérinaires. Sur
les deux bovins restants, l'un sera revendu à un éleveur du Calvados,
et l'autre mis de côté par le négociant.
Le 10 octobre, le négociant présente l'animal mis de côté
à l'abattoir de Villers-Bocage, caché parmi un lot de 36 bovins, un "lot
unique", et donc censé ne contenir que des bêtes du même cheptel.
L'inspecteur vétérinaire repère alors cinq bovins suspects
et c'est en procédant à l'inspection de ces bovins qu'il "découvre
la manoeuvre frauduleuse", a expliqué le procureur de Bernay, Philippe
Stelmach. L'inspecteur identifie cet animal, qui présente des "signes
pathologiques évidents", comme faisant partie du précédent cheptel
vendu le 4 octobre et déjà en partie commercialisé.
Cette bête fait alors l'objet d'un test ESB Prionics dont
le résultat, le 13 octobre, s'avère positif. De nouveaux tests de confirmation
sont arrivés vendredi matin à la direction des services vétérinaires du
Calvados et ont confirmé officiellement la présence d'ESB, déclenchant
l'enquête.
Le 13e animal revendu par le négociant à un éleveur du Calvados,
ainsi que les cinq autres bêtes du cheptel d'origine détenues par un éleveur
de l'Eure ont été saisies et placées sous surveillance, a indiqué le procureur.
L'abattage systématique d'un troupeau où un cas d'ESB a
été détecté est obligatoire depuis 1995, le ministère de l'Agriculture
considérant que l'ensemble du troupeau a été exposé aux mêmes risques
que l'animal malade.
Mais la Confédération Paysanne estime de son côté qu'il
suffit d'abattre uniquement les animaux descendants de la bête malade
ou qui ont le même âge.
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