LA VACHE FOLLE

 ou Enigme de la 13ème Vache de Beuzeville                                  
Association de Défense de la Viande Bovine Française 
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La Gazette du SNVP n°20 du 21 novembre 2000

Lettre d'information électronique des Professionnels de Santé Publique.

Les vaches folles ! Ah, le sujet dont il faut parler, et surtout en santé publique ! Eh bien, parlons-en, mais essayons d'en distinguer, au-delà du fatras politico-médiatique, quelques aspects intéressants.

Comme toujours en pareille circonstance, le premier soin est de distinguer les aspects techniques et politiques. Et concernant l'aspect technique, les considérations relatives à l'amont du problème ne sont certainement pas superposables à celles relatives à l'aval.

Si l'on considère l'aval de la question, ou en d'autres termes ses conséquences, on résumera le problème en disant que nous sommes dans l'incapacité de le mesurer, même aproximativement. Quelles sont réellement les propriétés d'un prion ? Quelle est la durée d'incubation de la maladie ? Quel est le nombre de personnes "porteuses", c'est-à-dire contaminées ? Sur ce dernier point, l'estimation pour la Grande-Bretagne ne manque pas d'intérêt : elle est comprise entre 63 et... 136 000 (expression particulièrement précise d'un modèle particulièrement flou). Autant dire que, sur des bases scientifiques, la valeur réelle se situe entre 0 et 100% de la population... Concernant le nombre de cas, toujours en Grande-Bretagne, on en comptait 84 au 28 septembre 2000 (en cumul depuis 1990), tous postérieurs à 1994. Par ailleurs, le nombre annuel de cas ne dépasse pas 18 (en 1998 en l'occurence), selon quelque chose qui pourrait ressembler à une tendance croissante hors fluctuation d'échantillonnage et hors biais d'observation. En d'autres termes, les possibles s'inscrivent entre un phénomène morbide négligeable sur le plan populationnel et non épidémique d'une part, et une possible épidémie qui va rayer de la carte la quasi-totalité des populations des mangeurs de viande d'autre part. Enfin bref, on ne sait pratiquement rien, et l'on n'est même pas sûr qu'une épidémie soit en cours.

Et pourtant, ce que l'on observe dans les populations est une grande peur. Peur spontanée ou orchestrée, peu importe au fond. Car, d'un certain point de vue, la question n'est pas de savoir si cette peur est fondée, puisque justement nous n'en savons rien. Ce que l'on observe, en réalité, est une peur devant une possibilité d'épidémie. Or, des épidémies possibles, sans parler des épidémies patentes, ce n'est pas ce qui manque. Alors, pourquoi cette hypothèse d'épidémie occupe-t-elle autant les esprits, prenant le pas sur des problèmes de santé publique beaucoup plus patents et beaucoup plus préoccupants ?

Vous attendez une réponse, que dis-je ! Le fin mot de l'histoire. Eh bien, je ne l'ai pas. Tout au plus quelques pistes, quelques constructions dans l'abstrait, que je puis proposer à votre réflexion. En premier lieu, le "jeu politico-médiatique", où les uns pensent avoir besoin des autres pour exister et réciproquement, est tout-à-fait susceptible d'avoir fortement amplifié la résonnance du problème auprès des populations. Surtout dans un contexte de cohabitation politique, contexte dans lequel l'art de semer des pierres dans le jardin du voisin devient un sport de compétition, pour ne pas dire une fin en soi. Certainement le précédent du sang contaminé influe-t-il également sur nombre de comportements : la non-prise de responsabilités (actuellement nommée "principe de précaution") devient la principale préoccupation d'un trop grand nombre d'acteurs impliqués dans la gestion des problèmes de santé publique. Au demeurant, qui pourrait s'en étonner, lorsque les sanctions sont à peine plus rationnelles que les fautes.

Quoi qu'il en soit, pour que le phénomène ait un tel impact, il faut que les populations soient réceptives à ce type de phobies. En quoi le seraient-elles ? Des hypothèses, à nouveau, peuvent être avancées. Et en premier lieu, ce qui frappe dans la perception du problème (et sa médiatisation, ces deux notions ayant tendance à se confondre) est l'aspect sécuritaire. la "psychose" collective semble se fonder sur l'une des dimensions de la question, celle de la relation de confiance d'un consommateur devant un produit de consommation, et sur un mode exacerbé. Ou, d'un autre point de vue, on a l'impression de se trouver en face de l'une de ces "grandes peurs", celles des grandes épidémies qui décimaient réellement les populations, alors que la présente situation est très loin de le justifier. Ces deux observations pourraient avoir un déteminant commun. En effet, la majorité de notre population, ceux qui sont nés après 1945, se trouve dans une situation historiquement nouvelle : elle n'a connu ni l'insécurité civile ou militaire (en tout cas, pas sur le territoire national), ni l'insécurité sanitaire, en l'absence de grandes épidémies depuis cette date. On peut aisément postuler que, dans ce contexte, la sécurité, en l'occurence sanitaire, soit devenue une norme, un droit. Or, pour la première fois en ce qui concerne ces moins de soixante ans, apparaît un phénomène potentiellement grave dont même les scientifiques ne peuvent dessiner les contours. Aussi, la réaction de peur serait d'autant plus plausible qu'elle se réfère à l'inconnu, donc aux fantasmes, et que ces fantasmes attaquent directement l'un des piliers de nos sociétés modernes : la sécurité.

D'autres interprétations sont bien entendu possibles. Par exemple, le fait de nourrir des herbivores avec des produits carnés, transgressant un "ordre naturel", peut renvoyer au dogme du péché originel ou au mythe de l'apprenti-sorcier, ce qui risque de ne pas favoriser une approche rationnelle et sereine de la question.

En résumé et concernant l'aval du problème, on peut affirmer avec force, sur des bases scientifiques rigoureuses, que l'on ne connaît pratiquement rien du phénomène. Mais presque rien ne veut pas dire rien : selon les données actuellement disponibles, un phénomène épidémique de grande ampleur est possible mais de probabilité faible. Et, en tout état de cause, nous n'en connaîtrons peut-être la portée que dans dix ans ou plus. Faut-il alors se décourager ? Certainement pas. Mais, si l'on veur appréhender sérieusement le phénomène, peut-être faudrait-il consacrer des crédits significatifs à la recherche sur ce sujet, plutôt qu'à financer la destruction d'animaux et de farines animales dans le seul but de se donner l'illusion de maîtriser les événements.

Dans nos prochains numéros, nous aborderons les autres aspects de ce phénomène. Vos analyses et opinions nous intéressent : faites-nous en part.

Dr. Jérome Frenkiel, rédacteur en chef.


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